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Reportage : Une année à la Maison des femmes [France]

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C’est un lieu unique en France : la Maison des femmes, qui a ouvert ses portes en Seine-Saint-Denis en juillet 2016, est la seule structure offrant un parcours de soins et un accompagnement complet aux femmes victimes de violences et de mutilations sexuelles. Durant une année, au travers du quotidien de cette structure en pleine évolution, nous avons suivi l’équipe dirigée par la docteure Ghada Hatem-Gantzer et quelques personnes accompagnées, passant des larmes au sourire, en chemin vers leur nouvelle vie.

Textes de Lynda Zerouk
Photographies de Anaïs Dombret
Paru dans Femmes ici et ailleurs #22, novembre-décembre 2017

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Médecins, chirurgien·ne·s, sexologues, psychologues, conseillères conjugale et familiale… les professionnel.le.s de l’équipe, en majorité féminine, comptent un grand nombre de spécialistes.
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Haoua a quitté la Côte d’Ivoire pour rejoindre la France. Elle espère faire venir sa fille à ses côtés le plus tôt possible. Elle reçoit encore des menaces de sa famille pour avoir fait le choix de partir et de se libérer de toute emprise.

Seulement deux mois après son ouverture, la Maison des femmes, située à la lisière de l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis, croule sous les appels et les visites. Assise dans son bureau neuf, Mathilde Delespine, sage-femme, coordinatrice et pilier de cet établissement, reçoit Haoua*, âgée de trente-quatre ans, après une IVG. L’été indien illumine la pièce de consultation, mais Haoua est engoncée dans un blouson à capuche en fourrure. Elle dort dans les bus de nuit depuis qu’elle a fui la Côte d’Ivoire, il y a deux ans. “Après la mort de mon mari, ma famille a voulu me remarier de force à un homme de soixante-sept ans et exciser ma petite fille”, se souvient-elle, en larmes. Haoua s’y est opposée, ayant été elle-même mutilée. “Mes douleurs sont toujours atroces”, mais elle a “honte” d’en parler.

Mathilde Delespine se retire dans une salle d’examen pour l’ausculter. Quelques minutes plus tard, elle lui délivre un certificat qui atteste l’excision. Elle en aura besoin pour sa demande d’asile. “Où en est votre situation administrative ?”, s’enquiert-elle. La jeune ivoirienne sort un classeur de son sac plastique. Toujours au même point. La coordinatrice tente alors de lui obtenir un rendez-vous auprès de la Cimade, une association d’aide aux étranger·ère·s. Une situation courante dans cet établissement fréquenté par plus d’une centaine de nationalités. “Nous sommes là pour vous accompagner. Il faut tenir le coup, poursuit Mathilde Delespine. Nous organisons chaque semaine des réunions de femmes sur l’excision. Est-ce que ça vous intéresse ? Personne ne se moquera de vous, car elles ont toutes subi la même chose”. “Oui”, répond Haoua.
La Maison des femmes abrite également le Planning familial, autrefois “relégué dans un couloir de l’hôpital”, comme le rappelle Ghada Hatem-Ganzter, fondatrice de ce lieu (lire portrait). Sans elle, cette structure multicolore de 250 mètres carrés ne serait jamais sortie de terre. Jusqu’à son arrivée comme directrice adjointe à l’hôpital Delafontaine, en 2010, Ghada Hatem-Gantzer avait exercé dans les “beaux quartiers”. Ici, elle rencontre une patientèle en grande difficulté. Un exemple : sur les 4 500 femmes accueillies chaque année à l’hôpital Delafontaine pour accoucher, 14 % ont été excisées.
La gynécologue-obstétricienne ne pensait pas être confrontée, un jour, au pays des Lumières, à tant de vies de femmes brisées par les violences sociales, physiques et psychiques. Elle comprend alors le besoin urgent de créer “une structure de coordination”. Aucun établissement médical en France n’offre un parcours de soin aussi complet. “Si une femme souhaitant une IVG a été violée, il faut aussi s’occuper de la dimension juridique et psychologique de sa situation.”

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La Maison des femmes qui fonctionne depuis juillet 2016 est le seul lieu en France où les femmes victimes de tous types de violences (excision, conjugales, inceste…) peuvent être soignées et accompagnées par des professionnel·le·s.

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