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Théroigne de Méricourt, l’Amazone révolutionnaire

Portant sabre et pistolets, elle était la quatrième de couverture du premier numéro de Femmes en Résistance ; Théroigne de Méricourt. Véritable figure de la Révolution, elle participe à la prise de la Bastille et défend les droits civiques des femmes.

Par Laurence Dionigi, membre du Club Femmes ici et ailleurs, Nice

Née en 1762, surnommée “Théroigne de Méricourt”, “la belle Liégeoise” ou encore “l’Amazone bleue”, Anne-Josèphe Terwagne est élevée dans une famille aisée du Luxembourg. Orpheline de mère, l’enfant est envoyée au couvent. Elle devient demoiselle de compagnie pour une famille anglaise, puis s’installe à Londres comme chanteuse lyrique.

Quand la Révolution française éclate, elle suit les débats de l’Assemblée nationale. Théroigne de Méricourt est la seule femme présente dans les tribunes. Les 5 et 6 octobre, elle s’est mêlée à la célèbre marche des femmes sur Versailles pour réclamer du pain au Roi et à la Reine. À Paris, Elle tient un salon et fréquente les hommes forts de la révolution, Piéton, Mirabeau et Danton. Habillée en amazone1, elle s’exprime sur l’égalité entre les faibles et les puissants en prenant la parole aux côtés de Marat ou Desmoulins au club des Cordeliers. Aux côtés d’Olympe de Gouges, Etta Palm d’Aelders, Pauline Léon ou Claire Lacombe, ces nouvelles féministes créent des “clubs féminins patriotiques”. Elles y défendent les droits civiques des femmes, exigent le droit de vote, l’instruction des filles, le port des armes, l’abolition de l’esclavage et de la royauté.

Ces discours radicaux provoquent la colère de la presse contre-révolutionnaire qui la surnomme “la catin de la République”. Voyant en l’Amazone bleue un symbole populaire, elle est condamnée pour les journées d’octobre 1789 (marche du 5 et 6). Elle se réfugie au Luxembourg où elle est arrêtée. Le 15 février 1791, des Français l’enlèvent et l’emmènent en Autriche où Théroigne de Méricourt est emprisonnée puis libérée après neuf mois de détention qui l’affecteront physiquement. Une fois innocentée, elle retourne en France où les Jacobins2 l’ovationnent. Lors d’un discours, elle prône la création d’une phalange d’Amazones3 et invite ses concitoyennes à s’émanciper de la tutelle masculine. Elle n’est guère suivie par ses consœurs.

Lors de la prise des Tuileries le 10 août 1792, elle tue de ses propres mains des gardes et reçoit une “couronne civique” pour son courage. L’année suivante, elle cherche à imposer la présence de femmes à la Convention nationale, ce que refuse Robespierre. Elle rédige un pamphlet exhortant le vote des femmes et se rapproche alors des Girondins4 ce qui lui vaudra une humiliation infligée par des Jacobines, épisode qui la blessera profondément car elle se rend compte que la majorité de ses contemporaines demeurent dans cette infériorité sociale, ignorant un potentiel changement.

Elle commence à développer un délire de persécution et manifeste quelques signes de folie. En 1794, elle est arrêtée comme la majorité des Girondins. Pour échapper à la guillotine, son frère la place à l’asile. Atteinte de troubles liés à la neurosyphilis, elle est diagnostiquée “d’excès révolutionnaire”. Elle passe vingt-trois ans internée et s’éteint à l’âge de cinquante-cinq ans. Figure charismatique, Théroigne de Méricourt inspira Eugène Delacroix dans le personnage féminin du tableau La Liberté guidant le peuple et certaines poésies de Baudelaire.

Ce blog collaboratif est une plate-forme réservée aux membres du Club Femmes ici et ailleurs. Chacun·e a la possibilité de partager dans cet espace ses témoignages, autour de femmes ou d’événements l’ayant particulièrement inspiré·e. Ces contenus n’engagent pas la rédaction.

Laurence Dionigi est une autrice, conférencière, chroniqueuse et grande voyageuse, ayant collaboré à de nombreux médias de par le monde. Depuis 2013, elle organise la manifestation, Fémin Auteures, à Antibes et anime des cafés littéraires dans la région niçoise. Avec une dizaine d’ouvrages à son actif, elle met lumière la place des femmes dans l’art avec par exemple Les grandes oubliées de l’art.

1. Mode lancée en 1767, l’amazone est une tenue de cheval féminine composée d’une longue jupe ou robe ample, boutonnée à l’avant par une veste cintrée.
2. Le jacobinisme est une doctrine politique qui défend la souveraineté populaire et l’indivisibilité de la République française. Il tient son nom du club des Jacobins, dont les membres s’étaient établis pendant la Révolution française dans l’ancien couvent des Jacobins à Paris.
3. Garde nationale féminine.
4. Les Girondins sont partisans de la guerre contre les ennemis de la Révolution. Ce sont des hommes politiques républicains qui ont siégé à l’Assemblée législative et à la Convention nationale en 1792 et 1793. Le nom donné à leur groupe politique est la Gironde car les principaux chefs sont des élus de ce département.