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Reportage : Talents d’ailleurs pour ici #2 [France]

L’exil est souvent synonyme de rupture avec un pays, une histoire, une culture, mais aussi avec un savoir-faire. C’est ce qu’a vécu la mère d’Inès Mesmar, une Franco-Tunisienne qui, en 2016, a fondé la Fabrique Nomade afin d’accompagner l’insertion des réfugié·e·s dans l’artisanat d’art. Une renaissance pour ces hommes et ces femmes, de plus en plus nombreuses dans l’association, dont le métier d’origine est valorisé. Et un apport de talents nouveaux pour le secteur du luxe, vitrine de l’excellence française, dont les savoir-faire traditionnels sont en voie de disparition.

Texte Louise Pluyaud
Publié dans Femmes ici et ailleurs #48, mars-avril 2022

Anna Karina Raga, bijoutière vénézuélienne

Inimaginable de retrouver mon savoir-faire

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© Julien Faure

Dans la petite chambre qui lui sert aussi d’atelier, Anna Karina Raga (45 ans) façonne sa création : une broche découpée dans une plaque de cuivre émaillée au chalumeau. Sa forme est celle d’une broméliacée, une cousine de l’ananas, “une fleur de mon jardin, au Venezuela”. Un pays que cette bijoutière de formation, diplômée de l’Institut du design de Caracas, n’a pas revu depuis cinq ans. Finalement, elle ouvre un restaurant de plage pour gagner sa vie “mais la crise économique a fait chuter le tourisme. Des milices ont commencé à venir soutirer de l’argent aux commerçant·e·s”, raconte-t-elle.

En vacances en France pour voir sa fille, Anna Karina apprend que sa maison a été vandalisée parce qu’elle a refusé le système de racket. “Comme je n’avais pas payé “le verde”, le dollar, les miliciens avaient tagué sur les murs “ennemie de la révolution”. J’étais en danger si je rentrais chez moi…” Réfugiée politique, une assistante sociale la dirige vers la Fabrique Nomade où elle reprend son métier de bijoutière la cinquantaine passée, alors qu’elle pensait “inimaginable de retrouver (s)on savoir-faire”.

Habituée à créer seule, la collaboration avec une designeuse la déstabilise. Finalement, aujourd’hui, “c’est ce que je préfère, car j’apprends auprès des autres”. Ce dont elle est la plus fière : une œuvre d’art défendant le savoir-faire et les récifs coralliens, réalisée avec trois artisanes réfugiées et le plasticien français Jérémie Gobet pour le groupe LVMH.

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© Nicolas du Pasquier

Bardagul Semedova, couturière azerbaïdjanaise

“Une deuxième famille

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© Julien Faure

En Azerbaïdjan, Bardagul Semedova (57 ans) était responsable qualité dans une fabrique de tricot. “Après la chute de l’Union soviétique, les ateliers textiles ont fermé les uns après les autres”, raconte cette femme qui s’excuse pour son français “imparfait ”. L’artisane rebondit et devient professeure de couture.

En 2010, elle arrive en France. “Je n’avais pas de problèmes avec mon pays mais… avec mon mari. J’ai tout laissé derrière moi, ma famille, mes belles-filles”, confie-t-elle les yeux remplis de souvenirs douloureux. Une juriste de la Maison des Femmes de Montreuil l’aide à obtenir le divorce et une carte de séjour. Pour payer sa chambre dans un centre d’hébergement, Bardagul Semedova garde des enfants.

Une Africaine avec qui elle cohabite lui remet le pied à la machine à coudre : “Grâce à elle, j’ai trouvé un poste de retoucheuse dans un chantier d’insertion. Je faisais des tabliers et des sacs.” Un emploi qui lui redonne l’estime d’elle-même.  “Je dois occuper mes mains, sinon je déprime, seule, dans ma chambre.” En mars 2020, l’Azerbaïdjanaise intègre la Fabrique Nomade où tout le monde – formatrices, designer et designeuses, réfugié·e·s artisan·e·s – fait preuve de patience et de bienveillance envers elle. L’association lui a donné du travail, mais surtout “elle m’a offert une deuxième famille”.

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