Le mot : Sorcière
Tous les deux mois, La Petite Roberte ramène sa science : souvent énervée, toujours engagée, volontiers caustique, sa mission est d’éclairer les expressions et concepts parfois obscurs pour parler d’égalité femmes-hommes et partager une réflexion féministe sur des mots de tous les jours.
Par La Petite Roberte
Paru dans Femmes ici et ailleurs #33, septembre-octobre 2019
Vous ne le savez peut-être pas : vous êtes une sorcière. Ne contestez pas ! Vous donnez votre avis ? Vous êtes une sorcière. Vous assumez vos cheveux blancs ? Sorcière ! Vous êtes financièrement indépendante ? Sorcière ! Vous n’avez pas d’enfants ? Vous n’êtes pas mariée ? Vous avez des désirs sexuels ? Sorcière ! Sorcière ! Sorcière !

Vous en doutez ? Reportons-nous au texte de référence, le Malleus Malefi carum, à la fois guide pratique de l’Inquisition et code pénal pour cour d’assises spéciale sorcellerie. Que nous dit cet aimable opus utilisé pendant deux siècles ? “Une femme qui pense seule pense à mal.” C’est clair, non ? Révélateur d’un obscurantisme typiquement médiéval ? Que nenni… La chasse aux sorcières a commencé à la fin du 15e siècle, qui marque le début de la Renaissance. Elle s’achève en même temps que le 17e siècle, surnommé le Grand Siècle qui célèbre la Raison et s’ouvre sur les Lumières… Pendant que René Descartes proclame son “Je pense, donc je suis”, gare à celles qui osent en faire autant : elles prennent le risque de… ne plus être. Du tout. Les historien·ne·s estiment qu’au moins 200 000 procès pour sorcellerie se sont tenus ; entre 50 000 et 100 000 femmes été exécutées.