Sophie Beau : “Agir, plutôt qu’observer” [France]
Cofondatrice et directrice générale de SOS Méditerranée, Sophie Beau revient sur son engagement humanitaire, l’origine et le développement de ce projet aussi simple que “fou” : tendre la main à celles et ceux qui se noient. En moins de quatre ans, l’ONG a sauvé plus de trente mille personnes de la mort sur les routes maritimes de l’espoir.
Propos recueillis par Corinne Grillet
Paru dans Femmes ici et ailleurs #35, janvier-février 2020
Biographie express
Diplômée d’un Bac + 5 en ethnologie, Sophie Beau est recrutée en 1998 par Médecins sans frontières. À vingt-cinq ans, elle est nommée responsable de la base de l’ONG en Guinée, puis enchaîne les missions au Liban, en Abkhazie et à New York. Elle travaille ensuite pour Médecins du monde, de 2002 à 2008, d’abord à Gaza, puis comme responsable des programmes pour le Moyen-Orient et le Maghreb et comme coordinatrice des missions France. En 2008, elle est nommée directrice de la Fédération nationale des associations de réinsertion sociale. Avec Klaus Vogel, elle fonde SOS Méditerranée en 2015, dont elle est la directrice générale. L’association reçoit en juin 2017 le prix Unesco Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix.

Quand et pourquoi avez-vous décidé de vous engager dans l’humanitaire ?
Lorsque j’étais étudiante en anthropologie, mon terrain de recherche était au Mali, dans une région de forte immigration vers la France. Je travaillais sur les projets de développement initiés par les Malien·ne·s exilé·e·s dans leur village d’origine. Ma posture d’anthropologue me frustrait : elle m’obligeait à maintenir avec les villageois·es une certaine distance pour ma recherche.
J’ai compris que je voulais agir, plutôt qu’observer. Médecins sans frontières m’a recrutée après l’obtention de mon diplôme. J’ai d’abord travaillé au siège aux Pays-Bas, puis rapidement j’ai été envoyée en Guinée et en Sierra Leone. Nous intervenions auprès de civil·e·s mutilé·e·s. J’ai toujours alterné les missions entre siège et terrain, pour ne pas perdre le lien avec la réalité et me permettre de reprendre une vie normale en évitant de porter un bagage trop lourd.
Et ensuite ?
En 2002, Médecins du monde m’a proposé de partir à Gaza. En pleine Intifada, j’ai ouvert une mission de médecine d’urgence préhospitalière et chirurgie de guerre dans les hôpitaux en lien avec le Croissant rouge palestinien. Je suis devenue responsable de l’ensemble de la mission, puis des programmes pour le Moyen-Orient et le Maghreb. J’ai par la suite été coordinatrice des missions France à Marseille. Enfin, après avoir été directrice de la Fédération nationale des associations de réinsertion sociale, j’ai créé en 2011 mon entreprise de consultante indépendante dans le domaine de la solidarité et de la lutte contre l’exclusion.
