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Reportage : Sœurs de métal [États-Unis]

Elles ont enfourché leurs montures d’acier, avalé des centaines de kilomètres et fédéré leurs “sœurs” à travers tout le continent pour dénoncer un crime passé sous silence : les disparitions et meurtres d’Amérindiennes, phénomène aussi massif qu’impuni aux États-Unis.

Textes et photographies d’Olivier Touron
Paru dans Femmes ici et ailleurs #33, septembre-octobre 2019

Lucunda La Morena, artiste peintre, pose aux côtés de Shelly Denny, docteure en médecine orientale et motarde, devant une fresque murale qu’elle a réalisée à Phoenix, en Arizona. Ce portrait géant est un hommage aux femmes indigènes disparues ou assassinées, appelées les MMIW pour missing and murdered indigeneous women.

Le ciel est gris et la pluie menace en ce vendredi 14 juin à Topeka (Kansas), au cœur des États-Unis. Près d’un grand parc, Harley-Davidson et Indian s’alignent en rangées bien ordonnées pendant que sous une tonnelle s’élève un chant cérémoniel, au rythme lancinant d’un tambour. Une prière en hommage aux victimes de la tragédie qui touche des générations d’Amérindiennes du continent nord-américain : celle des missing and murdered indigenous women (MMIW), ces femmes indigènes disparues ou assassinées. En moyenne une tous les trois jours ; depuis quarante-cinq ans et dans l’indifférence générale.

Ce jour-là, à Topeka, des dizaines de motardes se sont réunies, majoritairement amérindiennes, pour clamer haut et fort qu’il est temps que cesse ce drame silencieux et collectif. Depuis des semaines, les bikeuses ont préparé ce rendez-vous, point d’orgue d’un projet à trois dimensions : alerter le plus grand nombre sur ces crimes, rendre hommage aux MMIW et montrer que des femmes refusent la fatalité et peuvent faire bouger les lignes. Dispersées sur l’ensemble du territoire américain, elles rêvaient depuis longtemps, chacune dans son coin, de créer cet élan, unir leurs passions et se sentir pousser des ailes.

L’envol des papillons d’acier

L’idée de créer un groupe de motardes a germé fin 2018. Shelly Denny, docteure en médecine orientale de Phoenix (Arizona), de mère amérindienne et motarde expérimentée, lance un groupe Facebook. L’initiative fait mouche, des dizaines de motardes s’inscrivent et se retrouvent pour une conférence téléphonique qui devient vite hebdomadaire. Shelly Denny propose de baptiser le groupe Iron Butterflies (papillons d’acier). L’image de cet insecte est omniprésente chez les féministes américaines, symbole de l’autonomisation, de la chenille à l’envol.
En mars 2019, avec une poignée d’autres motardes, Luvy Yonnie, Lisa Rivera, Lorna Cunny et Lynette RC Roberts, elles posent les bases d’un projet : #RidingforMMIW. “Face à la carte de l’Amérique du Nord, j’ai eu la vision de la roue de médecine traditionnelle amérindienne comme tracé d’une route à parcourir en moto pour sensibiliser à cette cause”, se souvient Shelly Denny.
Ce symbole, associé aussi au cercle de vie, est vénéré. La roue représente la complétude de l’existence, de l’enfance à la vieillesse. La croix en son centre évoque les quatre vents, les quatre saisons, les quatre directions. “En dessinant un itinéraire en forme de roue de médecine, les motardes allaient accomplir un acte de guérison, pour lutter contre le mal qui touche les femmes natives américaines, explique-t-elle. C’est un voyage qui allait transformer les participantes, en leur donnant un pouvoir de faire.

À Albuquerque, au Nouveau-Mexique, le 21 avril, Shelly Denny boucle un saddle sore, un challenge moto validé par l’association Iron Butt, qui consiste à parcourir mille miles, soit environ 1  600 kilomètres, en moins de vingt-quatre heures.

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