Dessinatrice de presse : Siri Dokken [Norvège]
Par Lily Martins
Paru dans Femmes ici et ailleurs #47, janvier-février 2022

Siri Dokken débute sa carrière à Oslo, la capitale norvégienne, comme dessinatrice de BD. Puis, “un jour, j’ai entendu un collègue refuser une commande pour un dessin en politique. J’ai bondi sur l’occasion.” À vingt-neuf ans, elle fait donc ses premiers pas dans la presse. Elle travaille, entre autres, pour le quotidien Dagsavisen et y aiguise son esprit critique. “À mes débuts, il n’y avait qu’une seule autre dessinatrice à Dagsavisen. Certains dessinateurs hommes ont refusé de travailler avec moi, c’était une sorte de Boys’ Club”, se souvient-elle. Qu’à cela ne tienne.
Une seule fois, elle a été confrontée à la censure. “ Les journalistes me donnent leur sujet, ensuite, je suis totalement libre. Il est possible que mon dessin ne soit pas raccord avec l’angle de l’article. Mais il est quand même publié. La seule fois où l’un d’eux a été refusé, j’étais furieuse ! Une journaliste avait écrit un article à charge contre le Premier Ministre, un conservateur qui s’ouvrait à l’extrême droite. Mon dessin aussi était à charge, mais elle a eu peur qu’il la mette en mauvaise posture.”

Avec son trait incisif, elle s’attaque aux dirigeant·e·s, femmes et hommes de pouvoir, mais en prenant garde à ne pas être injuste vis-à-vis de “celles et ceux qui n’ont pas les moyens de se défendre, pour ne les pas blesser”. Siri Dokken veut avant tout conduire les lecteurs et lectrices à “penser deux fois. Il est important d’être ambivalent·e, subtil·e. Tout est tellement binaire aujourd’hui, les gens veulent avoir une opinion et ne plus en démordre.” Face aux réseaux sociaux, la dessinatrice, née en 1966, observe : “J’ai quelquefois reçu des messages virulents, mais ce n’est rien comparé à ce qui attend les nouvelles dessinatrices. J’ai peur pour elles ; sous couvert de liberté d’expression, la haine à leur égard est permise.”
Depuis quatre ans, Siri Dokken enseigne le dessin de presse à l’Académie nationale des arts d’Oslo. L’occasion de prendre du recul. “Je n’ai jamais regretté un dessin. Mais mon avis a changé sur la manière d’illustrer certaines thématiques. En 2005, j’avais représenté l’Afrique avec l’image d’un enfant affamé. Je sais que c’est efficace, que ça fonctionne toujours, mais l’Afrique n’est pas que ça. Je n’utiliserais pas les mêmes clichés aujourd’hui.” ●
En partenariat avec :
L’association Cartooning for Peace a été créée en 2006 à l’initiative de Kofi Annan, prix Nobel de la paix et ancien secrétaire général des Nations unies, et du dessinateur de presse Plantu. Cartooning for Peace est un réseau international de dessinateurs et dessinatrices engagé·e·s à promouvoir, par le langage universel du dessin de presse, la liberté d’expression, les droits humains et le respect mutuel entre des populations de différentes cultures ou croyances. Aujourd’hui présidée par le dessinateur français Kak, l’association de loi 1901 est reconnue d’intérêt général.