Marion Poitevin : Première de cordée [France]
Seule femme instructrice au Centre de formation des CRS de montagne, à Chamonix, Marion Poitevin décline sa passion pour l’altitude dans sa vie professionnelle et personnelle. Guide de haute montagne, monitrice de ski, elle vient de créer l’association Lead The Climb pour favoriser le leadership des femmes en montagne.
Par Sandra Ducasse
Paru dans Femmes ici et ailleurs #23, janvier-février 2018
Comme le dit sa mère Véronique, Marion Poitevin veut changer le monde. “Pas seulement celui de la montagne, mais au-delà : la société dans laquelle elle vit.” La CRS de montagne de trente-deux ans avait, enfant, découvert vallées et sommets avec ses parents professeur·e·s d’EPS en Haute-Savoie. Adolescente, elle s’ennuie avec les filles et garçons de son âge. Cette amoureuse des grands espaces préfère courir les montagnes. Pas très hautes — nous sommes à La Roche-sur-Foron, à une soixantaine de kilomètres de Chamonix —, mais assez pour prendre de la hauteur et rêver à des ambitions plus élevées avec vue sur le Mont-Blanc. Au collège, Marion Poitevin se met sérieusement à l’escalade. Elle atteint les championnats de France, mais ne se sent pas vraiment à sa place dans les compétitions en salle.

Après une licence LEA anglais-allemand et surtout de nombreuses courses en montagne avec des ami·e·s et au sein des premières équipes nationales d’alpinisme féminin, Marion Poitevin s’installe dans la vallée chamoniarde. Elle se porte candidate au Groupe militaire de haute-montagne (GMHM) grâce aux encouragements de proches. Une initiative difficile à prendre pour Marion Poitevin qui a tendance à sous-estimer ses compétences en montagne, “comme beaucoup de femmes”, comprendra-t-elle plus tard ! Elle est admise et devient alors la première femme à intégrer cette formation depuis sa création, en 1976. Ce groupe d’élite et d’excellence, qui compte une douzaine de militaires, est un véritable “laboratoire de l’extrême”. La jeune femme participe à des expéditions en Himalaya, en Chine, au Canada et au Pakistan où elle se hisse à des sommets de plus de 7 000 mètres. Il faut penser à tout, faire preuve d’organisation, avoir un sens aigu des responsabilités, déployer des efforts physiques intenses lors de journées qui peuvent être très longues. D’un point de vue humain, le bilan de ces années est moins positif. Marion Poitevin constate alors que le machisme de certains est tout simplement invivable au quotidien et décide de quitter le groupe. Son constat assez amer : “Il faut toujours faire sa place et ses preuves, être deux fois plus sûre de soi.” Elle n’avait pourtant pas peur de se mesurer aux hommes, elle qui a mis au point plusieurs trucs et astuces afin de tenir le même rythme que ses confrères, en faisant en sorte de ne jamais avoir à s’arrêter par exemple pour enlever ou remettre sa veste.