Le mot : Mademoiselle
Tous les deux mois, La Petite Roberte ramène sa science : souvent énervée, toujours engagée, volontiers caustique, sa mission est d’éclairer les expressions et concepts parfois obscurs pour parler d’égalité femmes-hommes et partager une réflexion féministe sur des mots de tous les jours.
Par La Petite Roberte
Paru dans Femmes ici et ailleurs #37, mai-juin 2020
Alors qu’il n’existe que du “monsieur” chez les hommes, le monde des femmes serait donc séparé en deux : de la “madame” et de la “mademoiselle”. Choisissez votre camp ou plus souvent, subissez la case dans laquelle vous serez mise. L’étymologie nous apprend que “dame” est issu du latin domina qui signifiait maîtresse ou souveraine, alors que “demoiselle” vient du diminutif dominicella, donc petite maîtresse ou petite souveraine. Bref, un cran moins bien que “dame”, titre qui, jusqu’à la Révolution française, était réservé aux épouses de la grande noblesse1.

Puis, à la riante époque du code Napoléon (1804) qui instaura un statut d’éternelles mineures aux femmes – elles appartenaient soit à leur père, soit à leur mari – “mademoiselle” a pris son sens actuel pour désigner une jeune fille ou une femme non mariée… ou supposée telle. “L’incertitude où j’étais s’il fallait lui dire madame ou mademoiselle me fit rougir”, écrit Marcel Proust dans Du côté de chez Swann (1913). Ce qui, en langage contemporain, revient à s’interroger : y a moyen de pécho ou pas ? Le lourdaud de service ne s’embarrassera pas de subtilités proustiennes pour se lancer comme un percheron au galop : “madame ou mademoiselle ?” histoire de tâter le terrain. Notez qu’il a peu de chance, lui, de se faire appeler “damoiseau”, terme qui, avant de tomber en désuétude, désignait un aspirant chevalier ou un homme galant et distingué.