Le jour où… 10 juin 1692 : Bridget Bishop est la première victime du procès des sorcières de Salem
Tous les deux mois, nous vous invitons à (re)découvrir une date importante de l’histoire des femmes, ici ou ailleurs. Une histoire trop souvent oubliée.
Par Muriel Salle
Paru dans Femmes ici et ailleurs #49, mai-juin 2022

Hiver 1691-92. La fille du nouveau pasteur de Salem, petite ville de pionnier·es du Massachusetts, aux États-Unis, affirme avoir été ensorcelée. Dans cette jeune colonie pétrie d’une culture religieuse puritaine, rigoriste et patriarcale, l’angoisse collective monte.
Les témoignages se multiplient. Plusieurs centaines de personnes sont accusées de sorcellerie. Poursuivie à partir du 16 avril 1692, Bridget Bishop comparaît face à ses “ juges” le 8 juin. Que lui reproche-t-on ? Son double veuvage, ses trois mariages, son corsage écarlate… Elle ne rentre pas dans le rang. Alors qu’elle clame son innocence, affirmant ignorer ce qu’est être une sorcière, le juge lui rétorque : “Comment pouvez-vous savoir que vous n’en êtes pas une… puisque vous ne savez pas ce que c’est ? ” Face à l’absurde, toute défense est vaine. Bridget Bishop est pendue deux jours après son procès, aux côtés de dix-huit autres supplicié·es, dont quatorze femmes.
De rares oppositions s’élèvent contre cet emballement mortifère. William Phips, gouverneur du Massachusetts, dont la propre épouse se trouve accusée, suspend le tribunal spécial, le remplaçant par une cour devant laquelle les preuves trop légères et les déclarations indémontrables d’ordre surnaturel ne sont pas entendues. Tou·tes les autres accusé·es seront finalement gracié·es.

Si l’affaire de Salem reste la plus grande chasse aux sorcières de l’histoire de l’Amérique du Nord, elle n’est pas isolée. Entre le 15e et le 18e siècle (donc, non pas à l’époque médiévale mais en pleine Renaissance), 110 000 procès pour sorcellerie se déroulent dans “l’Europe des bûchers”. Soixante mille “sorcières” ont été exécutées. Quatre-vingts pour cent sont des femmes.
En 2001, la Chambre des Représentant·es du Massachusetts a réhabilité les victimes de ce terrible épisode. Depuis décembre, en Écosse, la députée Natalie Don porte un projet de loi similaire en faveur de près de quatre mille condamné·es pour sorcellerie et le 8 mars, la cheffe de l’exécutif écossais, Nicola Sturgeon, a présenté les excuses officielles du Parlement pour ces victimes.
Encore aujourd’hui, des milliers de personnes sont toujours accusées de sorcellerie, principalement des femmes et des enfants, en particulier en Afrique subsaharienne, en Inde et en Papouasie-Nouvelle-Guinée. ●