Santé : La psychanalyse est-elle sexiste ?
Documentaire à charge, procès, pétition, la psychanalyse cristallise depuis quelques mois des (op)positions radicales. Selon ses détracteur·trice·s, cette méthode thérapeutique serait ainsi intrinsèquement sexiste, homophobe, raciste… La réalité est plus complexe. Une seule certitude : il faut continuer à interroger à la fois théories et pratiques psychanalytiques.
Par Cécilie Cordier
Paru dans Femmes ici et ailleurs #35, janvier-février 2020
La psychanalyse, sexiste et dangereuse ? C’est la conclusion à laquelle aboutit la réalisatrice Sophie Robert, qui a signé Le Mur sur l’autisme, puis, fin 2018, Le phallus et le néant, l’un et l’autre films attaqués en justice par des psychanalystes. La documentariste a ensuite lancé fin octobre un appel visant à bannir la psychanalyse des tribunaux et des universités. Le débat – la première pétition a été immédiatement suivie d’une contre-pétition – n’est cependant pas nouveau. La question du sexisme de la psychanalyse se pose en effet dès son origine et des féministes en débattent depuis. Certaines, comme Monique Wittig, la rejettent intégralement : elle leur apparaît comme un outil du patriarcat et une théorie essentialisant le genre. D’autres, comme Gayle Rubin, l’ont utilisée comme une clé de lecture de la société. D’autres encore, comme Judith Butler, s’en sont servi comme support de leur réflexion sur la féminité et la sexualité.

Théories relues et réécrites
Questionner les certitudes est l’essence de la psychanalyse. Lorsque Sigmund Freud l’invente à la fin du 19e siècle, il exprime ses limites, puis revoit plusieurs fois ses propres théories. Elles restent le reflet des idées de l’époque. Depuis, elles ont été relues, parfois réécrites. “Pour survivre, la psychanalyse doit produire sa propre réflexion sur les enjeux de notre monde, résume la psychanalyste Armelle Vautrot. Il est important de s’émanciper des grandes figures, sans nier leurs apports en leur temps, ni sortir leurs propos de leur contexte.” Les chirurgien·ne·s n’opèrent plus comme au 19e siècle, mais personne ne fait le procès de la chirurgie de l’époque à la lumière des techniques actuelles. “Comme dans d’autres courants de pensée, il y a des psychanalystes dogmatiques et dangereux·ses”, observe Armelle Vautrot.