Hala Mohammad : “La poésie, c’est écrire le silence” [Syrie]
Poétesse et réalisatrice de documentaires, Hala Mohammad a fui la Syrie en 2011. Son dernier recueil, Prête-moi une fenêtre, est la mémoire intime d’un pays où elle ne peut retourner mais qu’elle veut raconter pour ne pas le laisser sombrer dans l’oubli.
Propos recueillis par Lena Bjurström
Paru dans Femmes ici et ailleurs #34, novembre-décembre 2019
Nous avons accueilli Hala Mohammad lors d’une Rencontre Femmes ici et ailleurs. A (re)voir ici.

Quand avez-vous écrit votre premier poème et qu’est-ce qui vous y a poussée ?
J’ai grandi dans une famille de neuf enfants. Et j’écoutais toujours les bruits de la maison. La porte était ouverte, j’entendais la rumeur des voisin·e·s. J’étais baignée dans mon silence et dans le bruit des autres. De toute cette écoute est né le premier poème, j’avais douze ans. Mon père était enseignant et très fort en poésie classique arabe. Il a lu mon premier poème et m’a dit : “Hala, tu ressens mieux que tu ne t’exprimes.” Je crois que cet échec m’est resté. J’ai compris que la poésie, ce n’était pas de voir et d’écrire, que c’était autre chose. Dix-huit ans après ça, j’ai écrit mon premier recueil. Aujourd’hui, je pense que la poésie, c’est écrire le silence. Déposer la trace de l’absence.
Quand avez-vous quitté la Syrie ?
En 2011, j’avais déjà publié cinq recueils de poésie qui circulaient dans le monde arabe et réalisé sept documentaires, dont trois sur les prisons du régime. J’étais régulièrement interrogée par les services de sécurité. Au début de la révolution, j’ai signé l’Appel des cinéastes et l’Appel des écrivain·e·s, pour réclamer la liberté et la fin de la répression. Mon dossier est ressorti des tiroirs du régime. J’ai commencé à recevoir des menaces, d’arrestation et pire. Je ne voulais pas partir, mais mon mari m’a suppliée.