Santé : Femmes sachantes

La chasse aux sorcières, pendant trois siècles, a conduit à l’assassinat de milliers de soignantes, matrones et guérisseuses, dont le tort principal était d’être des femmes. Une histoire qui éclaire les enjeux du présent.
Par Sandrine Boucher
Paru dans Femmes ici et ailleurs #22, novembre-décembre 2017
Pendant plusieurs siècles, jusqu’à la Renaissance, les “bonnes femmes” (wise women) ont été les premières interlocutrices de santé de la population, en particulier les pauvres et les femmes qui ne pouvaient pas, ou ne souhaitaient pas, s’offrir les services de médecins. Dépositaires d’un savoir empirique transmis oralement de mères en filles, pour la plupart paysannes, elles maîtrisaient l’usage et les vertus des “simples” (les plantes médicinales qui sont toujours à la base de la pharmacopée contemporaine !). Leurs connaissances se fondaient sur leur expérience tirée d’erreurs et d’essais, d’observations de relations de cause à effet… soit la définition d’une démarche scientifique. Ces femmes sachantes intervenaient notamment dans la prévention des fausses-couches ou pour soulager les souffrances de l’accouchement, autrement dit, interféraient avec la malédiction divine sur Ève : “Tu enfanteras dans la douleur”.

Pendant ce temps là, comme le rappelle Jules Michelet (1862), l’Église n’avait guère d’autre remède à proposer que la confession, expliquant que les douleurs vécues ici-bas seraient autant de moins à endurer dans l’autre vie… Quant aux médecins qui commencent à être formés à partir du XIIIe siècle dans des universités (interdites aux femmes), ils brodaient sur la théorie des humeurs héritée de l’Antiquité, soignaient la peste avec des décoctions de serpents, quand ils n’achevaient pas les malades à coup de laxatifs violents et de saignées. “Les vieilles femmes étaient souvent plus efficaces avec leurs remèdes que les médecins instruits”, reconnaissait Francis Bacon (1561-1626), pionnier de la pensée scientifique et grand amateur de chasse aux sorcières.
Dans les années 1970, chercheur·se·s et féministes s’interrogent : comment est-on passé d’une prédominance de cette médecine de femmes à leur relégation dans des fonctions subalternes (infirmières, aides-soignantes) ? Il y a t-il un lien avec la maltraitance du corps des femmes (ablation des seins sans consentement, stérilisations involontaires, accouchements surmédicalisés) ? Elles et ils trouvent une partie des réponses à la fin du Moyen-Âge.
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