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Reportage : Femmes entre sel et mer [France]

Elles ont pour complices les marées, le vent et le soleil. Les paludières de Guérande, en Loire-Atlantique, récoltent toujours le sel de manière artisanale. Des vies de labeur, de passion et de liberté. Si ce savoir-faire s’est longtemps perpétué de père en fils, des femmes prennent désormais elles aussi la tête d’exploitations salicoles. Reportage dans le marais du Mès, au nord du bassin de Guérande, où, fait rare, les paludières sont aussi nombreuses que les paludiers.

Texte de Virginie de Rocquigny – Photographies d’Alexis Lemetais / Collectif DR (sauf mention)
Paru dans Femmes ici et ailleurs #45, septembre-octobre 2021

Difficile de décrocher pour les paludières en retraite. Beaucoup, comme Hélène Martinet, continuent de venir au marais donner un coup de main. Elle aide son ancienne collègue Aude Courtel (à l’arrière-plan) lors d’une récolte estivale.

En 1983, quand Marie-Thérèse Haumont envoie ses documents pour s’inscrire comme exploitante agricole en saliculture, ça coince. À trois reprises, la Sécurité sociale lui demande de préciser l’état civil de son conjoint afin de compléter son dossier. “Trois fois, j’ai dû renvoyer un courrier pour expliquer que c’était bien moi la cheffe d’exploitation, que mon mari n’avait rien à voir là-dedans ! Cela paraît fou. Mais à l’époque c’était ainsi.” Marie-Thérèse Haumont n’est pas vraiment de celles qui se laissent décourager. Ni par les tracasseries administratives. Ni par quoi que ce soit d’autre d’ailleurs. Fille d’agriculteur et agricultrice, elle a été contrôleuse laitière avant d’être l’une des premières femmes à obtenir le brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole (BPREA), option saliculture. Sans raison, les responsables lui avaient d’abord refusé l’accès à cette formation créée en 1979, mais sa persévérance a payé.

Le port de plaisance du port de Kercabellec.
Des paludières et leurs proches se retrouvent au café du port de Kercabellec.

Refus de louer un marais à une femme

Marie-Thérèse Haumont est paludière, récoltante de sel. Plus au sud, à l’île de Ré par exemple, il aurait fallu dire saunière. Lorsqu’elle s’installe à Saint-Molf, sur le bassin de Mès, en Loire-Atlantique, elle essuie quelques plâtres. Des propriétaires de marais refusent de lui louer leurs parcelles, estimant qu’ils n’ont “pas la preuve qu’elle soit capable de s’en occuper”. Opiniâtre, elle trouve finalement d’autres marais auprès d’une veuve de paludier. Marie-Thérèse Haumont se révèle une excellente productrice de sel, tout aussi capable que ses collègues masculins. Cette année, à soixante-cinq ans, elle vient de prendre sa retraite mais donne volontiers un coup de main à celui de ses fils qui a repris le flambeau. Difficile de décrocher de cette vie dans les marais en compagnie du vent, du soleil et des marées pour extraire patiemment le sel de la mer.

En ce jour de printemps, Marie-Thérèse Haumont et son fils manient le “boutoué”. Accroché à un manche de cinq mètres de long, ce râteau permet de décoller la vase accumulée au fond pendant l’hiver. C’est la période de l’“habillage” des salines ; qui consiste à nettoyer les fonds argileux afin d’optimiser la circulation de l’eau jusqu’aux cristallisoirs, appelés œillets. C’est dans ces bassins de soixante-dix mètres carrés que s’accumulent le gros sel une fois l’eau évaporée, et sur les bords, à la surface, la fleur de sel. L’œillet est l’unité de base d’une exploitation salicole. Chaque paludier·ère en exploite plusieurs dizaines. Entre les bassins, des ponts d’argile sont façonnés de manière artisanale. Les manches des boutoués ont beau être désormais en carbone, plus léger que le bois, les manier demande une force considérable.

À soixante-cinq ans, Marie-Thérèse Haumont a laissé ses salines à son fils mais continue de l’aider parce que, dit-elle, “l’appel du marais est trop fort”. © Théo Dolivet-David

Une étonnante parité sur le bassin de Mès

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