Emmanuelle Durand-Rodriguez, co-fondatrice de Sororistas
Emmanuelle Durand-Rodriguez, journaliste indépendante et ex-directrice de rédaction de La Tribune de Toulouse, a co-fondé le collectif Sororistas, aux côtés de Sophie Garcia, Julie Landès et Sarah Neumann. Ensemble, elles ont organisé un concours d’écriture proposant aux femmes d’imaginer « le monde d’après ».
Propos recueillis par Aude Stheneur et Emma Gomez, de la rédaction de Femmes ici et ailleurs
Qu’est-ce qui a inspiré la fondation du collectif Sororistas ?

Avec les co-fondatrices de Sororistas, nous avons été surprises, au début du premier confinement, d’entendre relativement peu la parole des femmes sur le « monde d’après ». Nous nous sommes retrouvées autour de la volonté de changer le monde avec et pour les femmes. Je suis responsable de la commission « Femmes et médias » du club de la presse Occitanie. C’est cette association qui a porté le concours Sororistas, avec le soutien du réseau professionnel Nénettes & co. Nous avons fait appel à un comité de lecture, composé de 150 femmes qui se sentaient en phase avec nos intentions.
En juin 2020, vous avez lancé un appel à textes avec comme thématique : Nous sommes le 31 décembre 2030…
L’objectif était de permettre aux femmes de s’exprimer sur le monde à venir. Nous sommes convaincues que, pour construire une société plus juste et plus créative, il faut entendre leurs voix, leurs revendications, leurs ressentis… Nous avons lancé un appel à l’analyse et à l’imaginaire des femmes. Nous avons donné à nos autrices potentielles trois mois pour écrire cinq pages maximum.
Combien de textes avez-vous reçu ?
Nous avons reçu 586 textes, de France mais aussi du Canada, de Belgique, quelques-uns d’Afrique. C’est un concours qui a mobilisé au-delà des frontières. Je pense que s’il a aussi bien fonctionné, c’est parce que nous avons vécu une année bouleversante et anxiogène à bien des égards, et qu’une démarche de création positive a fait du bien. Vendredi 15 janvier, lors de l’émission de remise des prix, nous avons dévoilé le recueil des vingt textes qui ont été présentés au jury final, présidé par Geneviève Brisac, écrivaine et Prix Femina 1996, et composé d’une dizaine de femmes d’univers différents (journalistes, femmes de sciences, d’entreprise, de culture). Les critères de sélection ont été la qualité de l’écriture, l’appropriation du sujet, la capacité à inventer un autre monde, l’originalité et la pertinence. Le choix a été très dur.
Quels points vous ont particulièrement marqué à la lecture des textes ?
La plupart des femmes ne sont pas autrices ou écrivaines, mais elles ont dépassé le syndrome de l’imposteur·rice en se donnant l’autorisation d’écrire. C’est une photographie assez incroyable, presque sociologique, de l’imaginaire, des espoirs, des doutes, des inquiétudes, des angoisses des femmes dans cette période très compliquée. J’ai également été frappée par la soif de justice, d’égalité et de pouvoir. Beaucoup de récits évinçaient déjà Donald Trump de la Maison Blanche et imaginaient des femmes présidentes de la République en France. Un bon nombre de textes étaient emprunts de bienveillance et de solidarité, malgré l’actualité sombre et difficile.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le texte gagnant, « Covid contre Goliath » ?
Ce que j’en retiens, c’est la douceur et la puissance, ainsi que la certitude que nous avons entre les mains la capacité de changer le monde. Le texte de Laura Carpentier-Goffre est très puissant, invente tout un univers et expose la nécessité du lien avec la nature. Il est en phase avec l’une des grandes questions de l’année 2020, c’est-à-dire la nécessité de retrouver une juste place par rapport à la nature et cesser de la sacrifier.
Avez-vous des projets pour Sororistas dans le futur ?
Avec le collectif, nous avons envie de porter l’expression de la parole des femmes et leur imaginaire. Nous allons dans un premier temps nous consacrer à donner de la visibilité à ces textes, notamment avec l’organisation de lectures et l’enregistrement de podcasts. Nous nous laissons la liberté d’inventer la suite. Il y aura sans doute un deuxième concours, mais c’est un peu trop tôt pour le dire. Nous voulons continuer de porter cette énergie.