Parole d’experte : Un conjoint violent peut-il être un bon père ?
Désormais, un·e enfant présent·e lors de violences commises dans le couple est, même sans en avoir été la cible, considéré·e comme une “victime” et non comme un “témoin”. Karen Sadlier, psychologue clinicienne, qui défend cette réforme depuis longtemps, nous éclaire sur la parentalité toxique des auteurs de violences.
Propos recueillis par Pierre-Yves Ginet
Paru dans Femmes ici et ailleurs #48, mars-avril 2022

Biographie express
Karen Sadlier est docteure en psychologie clinique et psychopathologique, spécialiste de l’accompagnement des enfants victimes de violences. Elle a dirigé le département Enfant de l’Institut de victimologie de Paris et travaillé pour la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof).
Aujourd’hui consultante pour l’Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis, Karen Sadlier est également membre de la Ciivise, la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, créée en janvier 2021. Elle a signé ou dirigé deux ouvrages de référence : Violences conjugales, un défi pour la parentalité (Dunod, 2015), et L’enfant face à la violence dans le couple (Dunod, 2021).
Est-il possible de dissocier les violences dans le couple de la parentalité ?
Lorsque la violence est présente, elle l’est autant dans le couple que dans la parentalité. Dans un couple avec enfants, les trois quarts des passages à l’acte de violence sont déclenchés par une question éducative, une question parentale, et non par une question conjugale.
C’est tout à fait logique quand on sait comment naissent les violences et comment fonctionnent les auteurs. Dans la conjugalité, la victime va souvent s’adapter aux demandes de l’auteur. Il veut regarder ce film-là, il veut manger cela, il veut aller ici ou là… La victime s’adapte à lui. En revanche, elle va affirmer la différenciation, l’autonomie, l’altérité de ses pensées dans la parentalité, en osant dire qu’elle a une autre idée, un autre point de vue.
Par exemple : “Je ne suis pas d’accord avec l’idée que les enfants puissent être réveillés jusqu’à deux heures du matin ”, “Je pense que c’est important que les enfants puissent faire leurs devoirs tranquillement” … Or, constater que sa partenaire ne le suit pas est insupportable pour un auteur de violences.
Peut-on séparer le “couple conjugal” et le “couple parental”, comme s’il s’agissait de deux entités différentes ?