Christine Hehl Dalla Zuanna : « Les gens ordinaires sont des super-héros »
Au sein du Club Femmes ici et ailleurs, nous avons la chance de compter des personnalités exceptionnelles, agissant dans des domaines très divers, en France et bien au-delà de nos frontières.
Christine Hehl Dalla Zuanna a travaillé pendant de nombreuses années dans le marketing de luxe. Avec sa famille, elle a vécu dans 8 pays dont l’Inde, la Corée et l’Angleterre… Aujourd’hui résidente en Allemagne, elle a publié son tout premier roman aux éditions Jouvence, dix ans après l’avoir écrit.
Propos recueillis par Romane Guigue

Vous avez été amenée à beaucoup voyager au cours de votre vie, que vous a apporté la découverte de tous ces pays ?
Je suis Française d’origine italienne, et j’ai vécu de nombreuses années à l’étranger. Aujourd’hui encore, je réside en Allemagne, en Bavière. Après vingt années de vie nomade, ma famille et moi nous sommes sédentarisé·e·s. J’ai eu la chance de vivre à Abu Dhabi, en Corée du Sud, en Angleterre, en Inde, au Canada, en Espagne et à Singapour avant de m’installer en Allemagne. A chaque fois, ce sont des expériences incroyables. Tout est affaire de perspective et de culture. Forcément, vivre dans un pays qui n’est pas le sien forge la tolérance et l’ouverture d’esprit. D’ailleurs, je dis souvent que nous devrions toutes et tous, à un moment, vivre à l’étranger, pour changer de point de vue. Je suis certaine qu’il y aurait moins de conflit et moins de racisme, c’est évident. Vivre à l’étranger pousse à réfléchir sur son pays d’origine.
Vous avez récemment publié un roman aux éditions Jouvence, Et la vie reprit à petites foulées. D’où vous vient cette passion pour l’écriture ?
Ce besoin d’écrire, je l’ai très vite ressenti en étant loin de la France. J’étais abonnée au Courrier International, où il manquait à mon avis une rubrique sur l’opinion des Français·es . Alors j’ai commencé à écrire. J’ai raconté nos aventures, nos voyages, je décrivais notre vie de Français·es au bout du monde. Et j’avais de très bons retours sur ce journal de bord. Lorsque nous étions en Angleterre entre 2008 et 2010, pour la première fois, j’avais du temps pour moi. Alors j’ai osé sauter le pas. Mon mari m’avait offert une formation pour écrire des nouvelles en anglais. Et c’est un très bon exercice, qui pousse encore davantage à la réflexion parce que, comme ce n’est pas ma langue maternelle, je ne pouvais pas utiliser des expressions toutes faites. Et puis je me suis lancée dans l’écriture d’un roman. Je l’ai achevé en 2011, et l’ai envoyé dans la foulée à de nombreuses maisons d’édition qui l’ont refusé. Parmi les retours que j’ai eus, un m’a particulièrement marquée : “Vos personnages, vous les aimez bien. Mais ce sont des femmes de la vie de tous les jours. Pourquoi est-ce qu’elles intéresseraient quelqu’un ?”
Le coup n’a pas dû être facile à accuser. Avez-vous laissé tomber votre livre ?
Cette remarque m’a beaucoup agacée, mais effectivement, j’aime mes personnages, et je ne voulais pas les laisser tomber. Lorsque j’étais en Corée, en 2016, j’ai mis mon livre en vente au format numérique, sur Kindle. Et j’en ai vendu quelques exemplaires.
Ce livre justement, de quoi parle-t-il ?
On y rencontre trois femmes, Pauline, Pascale et Laura que tout semble opposer. Elles ont des vies et des objectifs qui n’ont rien à voir. Pourtant, elles vont se rapprocher lorsqu’elles s’inscrivent dans un club de course à Annecy. Leur histoire est celle de nous toutes. C’est la vie, tout simplement. Je l’ai pensé pour que nous nous reconnaissions en elles. Elles traversent des bonheurs et des malheurs que nous avons toutes et tous vécus, de près ou de loin.
Donc votre roman achevé en 2011 a été refusé par les maisons d’édition, vous l’avez auto-publié en ebook en 2016 et il est maintenant publié par une maison d’édition classique. Comment en êtes-vous arrivée là?
Alors que j’étais en Allemagne en 2018, une amie m’a conseillée de poster mon livre sur le site de Librinova, maison d’auto-édition et agence littéraire. Chaque année, les deux fondatrices organisent le prix des étoiles, qui récompense les meilleurs ouvrages. Il faut qu’il soit le premier écrit par l’auteur·trice. Il y avait 1666 romans inscrits au concours. Et en janvier 2021 j’ai reçu un mail de l’agente littéraire de Librinova : je faisais partie des soixantes finalistes et elle souhaitait me parler au plus vite. Quelques minutes plus tard, elle m’apprenait que je faisais en fait partie des cinq finalistes et Librinova voulait être mon agent. C’est assez fou, parce que j’avais presque oublié m’être inscrite. En avril 2021, je signais un contrat avec la maison d’édition Jouvence puis le 17 août 2021, le roman était publié. Dix ans après avoir écrit ce premier livre, il avait une nouvelle vie.
J’imagine votre surprise ! Comment avez-vous appréhendé cette publication, qui arrive si tardivement après l’écriture du livre ? En étiez-vous toujours satisfaite?
A vrai dire, cela faisait très longtemps que je ne l’avais pas relu. Donc j’avais suffisamment de recul pour le découvrir à nouveau, comme si ce n’était pas moi qui l’avais écrit. J’étais très heureuse de retrouver mes personnages. Et d’ailleurs, aujourd’hui, je suis plus contemporaine de Pauline, moins de Pascale ou de Laura, c’est amusant de changer de regard sur elles. L’expertise de la directrice éditoriale de Jouvence, suggérant quelques modifications, a permis d’améliorer l’ensemble.
Pour reprendre la remarque que vous avait fait un éditeur, pourquoi ces femmes ordinaires vous intéressent-elles tant ?
Comme je cherchais les trésors dans les pays que je découvrais, je cherche les trésors cachés dans les gens, c’est ainsi que je vois la vie. Nous sommes toutes et tous confronté·e·s à la souffrance. Et je pense qu’il est bien plus facile de se reconnaître dans les personnes ordinaires, que dans les super-héros. J’avais à cœur de parler de ce que je connais, et de mettre en lumière des femmes. Et puis écrire, c’est une manière de communiquer ses doutes, ses valeurs, ses questionnements, de pousser certains coups de gueule parfois aussi. Comme pour l’un de mes personnages, je me suis toujours questionnée sur les voyages : partir vivre à l’étranger, est-ce courageux, ou est-ce au contraire une fuite en avant ? Je me pose encore la question, et le formuler, c’est aussi une manière de poser la question à mes lecteur·trice·s.
Vous avez publié votre roman sous le pseudo de Giullia Larigaldie, pourquoi ?
Peut-être que c’est un peu un fantasme de romancière, mais je voulais un pseudo. Et j’ai décidé de rendre hommage à mes deux grands-mères avec ce nom d’emprunt. C’est important de savoir d’où nous venons.
Pour commander le roman de Christine Hehl Dalla Zuanna c’est ici. Il est également disponible dans toutes les grandes librairies en ligne.
Suivez toute l’actualité de l’autrice sur son site internet.