Céline Bardet : Contre l’impunité des crimes de guerre [France]
Juriste, enquêtrice criminelle internationale et fondatrice de l’ONG We are not weapons of war, Céline Bardet consacre sa vie à la lutte contre le viol comme arme de guerre. Inlassablement, elle parcourt le monde pour faire condamner les coupables et obtenir justice pour les victimes.
Par Louise Pluyaud – Collectif Focus
Paru dans Femmes ici et ailleurs #35, janvier-février 2020

Quand elle n’est pas en mission pour les Nations unies ou l’Union européenne, Céline Bardet part se reposer “sur l’Île d’Yeu avec ses chats, Vernon et Colette” – en référence à Vernon Subutex, le personnage du roman éponyme de Virginie Despentes et à l’autrice du Blé en herbe – ou pose ses bagages dans son pied-à-terre parisien. Dans son salon, des piles de livres, une foule d’objets chinés lors de ses voyages et une photo en noir et blanc prise en Libye ; sur l’image, un village en pierres apparemment tranquille… L’enquêtrice se souvient : “C’est là-bas que je me suis spécialisée dans le viol de guerre.” Cette juriste internationale est mandatée en 2013 par la Commission européenne pour dresser un état des lieux de la justice en Libye. Pendant plusieurs mois, Céline Bardet recueille la parole de Libyennes violées par les nervis du régime ou par les miliciens. Ce travail, réalisé en collaboration avec le ministre de la Justice libyen, a permis l’élaboration d’un projet de loi reconnaissant le statut de victimes de guerre à celles et ceux qu’elle appelle les “survivant·e·s”.
Les femmes et les hommes aussi
“Le viol est l’arme du 21e siècle, dénonce-t-elle. Il coûte moins cher qu’une kalachnikov, laisse peu de traces et détruit non seulement la victime, qui se mure dans le silence, mais aussi sa famille. C’est le crime parfait.” L’autre raison de la persistance de l’utilisation de cette arme : “l’impunité des auteurs”. En 2014, devant le “manque de visibilité et de compréhension” du viol comme arme de guerre, Céline Bardet décide de fonder l’ONG We are not weapons of war (WWoW). Avec son équipe de spécialistes en droit bénévoles, elle aide les victimes à monter et défendre leur dossier devant les instances nationales et internationales. “Le judiciaire est dans mon ADN”, rappelle-t-elle. Mildred Mapingure, dont la fille est née d’un viol pendant la crise de 2005 au Zimbabwe, fait partie de celles que Céline Bardet a épaulées.