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Arnaud Poissonnier, fondateur de la plateforme solidaire Babyloan

Au sein du Club Femmes ici et ailleurs, nous avons la chance de compter des personnalités exceptionnelles, agissant dans des domaines très divers, en France et bien au-delà de nos frontières.

Après un diplôme en notariat, Arnaud Poissonnier a travaillé pendant douze ans en tant que conseiller juridique, fiscal et financier dans des banques de gestion de fortune. Il découvre tout à fait par hasard le microcrédit et lance la plateforme Babyloan, le premier site européen de prêt solidaire qui permet aux internautes d’aider des microentrepreneur∙e∙s à développer leur propre activité.

Propos recueillis par Emma Gomez, Femmes ici et ailleurs

Comment vous êtes-vous intéressé au microcrédit ?

En 2005, dans le cadre d’un mécénat de compétence avec l’ONG Acted, j’ai eu la chance de partir pendant deux semaines au Tadjikistan où j’ai découvert, concrètement, sur le terrain à Douchanbé, la capitale, ce qu’était le microcrédit. Alors que je m’occupais de gens qui avaient entre un et cent millions d’euros, j’ai découvert ce que je pouvais faire avec une petite somme d’argent de 400€. Ensuite, c’est une histoire de femmes et de rencontres, comme celle avec Madame Karimov, une bénéficiaire de microcrédit. Elle me faisait un sourire jusqu’aux oreilles et me remerciait toutes les trois minutes du microcrédit qu’on lui avait accordé, soit l’équivalent de 350$. Avec ça, elle fabriquait des petits lits de bébé en bois, qu’elle revendait sur les marchés, et elle faisait vivre toute sa famille. Elle irradiait et elle était fière, c’est ça la force du microcrédit : c’est un fabuleux outil d’expression de la dignité humaine. J’ai réalisé que jamais un de mes clients en gestion de fortune ne m’avait remercié. En 2006, j’ai découvert le site internet Kiva aux Etats-Unis, qui permet aux internautes de financer des bénéficiaires de microcrédits en ligne : prêter de l’argent en direct à des projets. J’ai proposé à Acted, chez qui je travaillais, de lancer le même type de plateforme, et nous avons lancé Babyloan en 2008.

Quel type de projets soutenez-vous avec Babyloan ? 

Nous travaillons en Europe, Asie, Monde Arabe, Afrique subsaharienne ou Amérique Latine, sur ce que l’on appelle l’économie informelle. 40 à 45 % des projets que nous finançons sont des petites épiceries de quartier, dans des bidonvilles où le microcrédit sert à acheter du stock. Nous travaillons aussi sur des projets d’activités artisanales (couture, fabrication d’objets) et de « service à la personne » (salon de coiffure, esthéticienne) dans les quartiers pauvres. La première bénéficiaire de microcrédit que nous avons financé sur la plateforme, en 2008, était Madame Hâ, à Phnom Penh au Cambodge. Elle vendait des bonbons à la sortie des écoles sur son petit chariot. Les babyloanien∙ne∙s (les prêteurs) ont déjà financé 50 000 projets.

70 % des projets de Babyloan sont portés par des femmes, pourquoi ce choix ? 

Nous essayons de respecter les ratios mondiaux de la microfinance, et 75 à 78 % des bénéficiaires de microcrédit au monde sont des femmes. Donc nous demandons aux institutions de microfinance avec qui nous travaillons en partenariat, de nous faire remonter au moins 70 % de projets de femmes, pour respecter la structure « sociologique » du microcrédit dans le monde. De plus, nous savons que les babyloanien∙ne∙s vont choisir plus vite les projets de femmes que d’hommes.

Quels sont les avantages du microcrédit pour les femmes ?

Le microcrédit s’est révélé être un fabuleux outil d’intégration sociale des femmes. Dans nos territoires d’intervention qui sont des zones rurales très isolées, les femmes ont souvent un statut social qui est assez dégradé (elles restent à la maison pour s’occuper des enfants, sont soumises aux hommes, etc.). Le microcrédit est un outil qui leur permet de s’autonomiser, de créer un petit business, de générer des revenus, et de devenir la cheffe de famille, renversant toute la logique de positionnement social. C’est ce qu’a démontré l’expérience du professeur Muhammad Yunus (économiste et entrepreneur bangladais connu pour avoir fondé, en 1976, la première institution de microcrédit, la Grameen Bank, ndlr). Il a également montré que les femmes, globalement, remboursaient mieux que les hommes le microcrédit. Plusieurs facteurs l’expliquent : les femmes sont plus sédentaires que les hommes, elles sont déjà cheffes d’entreprise parce qu’elles gèrent leur famille. Elles sont donc extrêmement responsables, elles ont le sens de la valeur de l’argent.

Avez-vous une belle histoire de prêteur∙se∙s à raconter ?

Pendant nos quatre ou cinq premières années, une infirmière lyonnaise était tombée amoureuse de Babyloan. Tous les mois, elle mettait 10 ou 15 % de son salaire dans sa tirelire Babyloan pour prêter. En quelques années elle avait mis presque 10 000 euros, qui lui avaient permis de prêter un cumul de 50 000 euros, c’était très substantiel. Quand vous prêtez sur Babyloan, l’argent vous est remboursé si tout va bien -nous avons 95 % de remboursement en cumul – et vous pouvez faire le choix d’enlever l’argent, ou de reprêter à quelqu’un. A cette époque, il y a eu un incendie chez cette infirmière, et tout son électroménager a brûlé. Le temps que les assurances paient, elle a ressorti de l’argent de sa tirelire Babyloan pour ses frais d’électroménagers. Et quand l’assurance a payé, elle a remis l’argent dans la cagnotte. J’ai trouvé ça très joli, que cette femme, qui mettait 10 % de son salaire tous les mois dans Babyloan, et qui gérait cette cagnotte comme une gestion de trésorerie, avait toujours l’obsession de remettre l’argent dans la tirelire. C’est beau, c’est tellement Babyloan. 

Avez-vous d’autres projets pour la suite ?

En novembre, nous avons lancé Babyloan IMPACT, qui est un vrai outil d’épargne, avec rémunération. Au lieu de prêter à des petits projets de microfinance, nous prêtons à de la mésofinance, donc à des projets entre 10 000 et 100 000 euros.

Au mois d’octobre, j’ai également sorti un Thriller pandémique avec une héroïne en protagoniste, pour lequel je me suis beaucoup inspiré de mon expérience Babyloan, notamment des bidonvilles des Philippines. J’écris une suite autour du réchauffement climatique.