Armelle Vautrot, une thérapie sur mesure
Au sein du Club Femmes ici et ailleurs, nous avons la chance de compter des personnalités exceptionnelles, agissant dans des domaines très divers, en France et bien au-delà de nos frontières.
Psychanalyste spécialiste de l’autisme, du trauma et des violences faites aux femmes, Armelle Vautrot a plus d’une casquette ! Autrefois musicienne, puis professeure de lycée, elle s’est tournée vers la psychologie tout en croisant les savoirs. Elle est auteure de plusieurs livres dont Enfin 40 ans ! Les supers pouvoirs de la femme quadra, paru en novembre 2021 (éditions La boîte A Pandore), et prépare un prochain ouvrage Deux ans de pandémie le regard d’une psy (éditions Coëtquen), pour l’automne 2022.
Propos recueillis par Mathilda Ruiz-Yeste
Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
J’ai exercé plusieurs métiers ! D’abord musicienne de flûte traversière et professeure en école de musique à l’âge de 20 ans, j’étais, en parallèle, étudiante en lettres modernes à la Sorbonne. Un cursus que j’ai finalisé par un master, puis j’ai obtenu le CAPES de Lettres et le concours de professeure des écoles. Donc après la musique j’ai enseigné en école primaire et dans le secondaire. Une inspectrice m’a poussée à enseigner à l’université. Ainsi, lorsque j’avais trente ans, j’étais professeure à la faculté de lettre de l’Université Paris-Est, en Science du langage. Enseignante pluridisciplinaire, j’ai toujours fait converger les moyens d’expression. Par exemple, nous étudions des opéras avec mes élèves et mes étudiant·es en lettres. Toutefois, je ne me retrouvais plus dans ce métier, l’enseignement était encore trop cloisonné. J’ai tout plaqué pour reprendre des études de psychologie en 2015. En effet, j’intégrais déjà des exercices de musicothérapie, de gestion du stress et de prise de confiance dans ma pédagogie et je mettais en place des ateliers théâtre avec des autistes. Cela m’a amenée vers le soin. Depuis 2017, je mène, en parallèle de mon activité de psychanalyste, une thèse au sujet du trauma et du langage, plus précisément sur l’expression picturale et scripturale depuis les attentats de 2015. Également, depuis que j’ai découvert les D.U (diplômes universitaires, ndlr), j’en suis un par an ce qui me permet de continuer de croiser les savoirs !
Comment envisagez-vous votre métier de psychanalyste ?
Tout ce que j’ai appris en musique, en lettre, je le réapplique dans les activités mises en place avec mes patient·es. Cela s’appelle le transfert de compétences. Je pars du principe que tout ce que j’apprends me permet ensuite de faire du sur-mesure pour les patient·es selon leurs spécificités et leur manière de vivre. Chacun·e doit pouvoir s’approprier des outils pour ensuite être autonome. Pour moi c’est ça le travail d’accompagnement psychanalytique. Il arrive que certains exercices ne fonctionnent pas mais ce n’est pas grave, nous cherchons ensemble ce qui leur convient. Il faut partir de ce que l’autre nous apporte, ce que j’ai pu comprendre en pédagogie et que j’applique aujourd’hui en thérapie. Je sais où je vais amener mes patient·es, mais le chemin, nous le construisons ensemble.
Pouvez-vous nous parler de votre livre en cours, Deux ans de pandémie le regard d’une psy ?
L’idée m’est venu durant un trajet en voiture, j’ai tout le sommaire qui s’est construit en 2h30 dans ma tête ! Je m’intéressais beaucoup à « l’après covid-19 ». Durant la pandémie je continuais de suivre mes patient·es. Je découvrais en même temps qu’eux et elles les confinements, les contraintes, l’anxiété et la peur du virus. C’était une situation inédite, et le suivi l’était aussi. Parfois ils et elles étaient en visioconférence depuis leur chambre, ou une pièce de leur maison, alors je leur demandais par exemple d’expliquer leur choix. Vu que leur attention était moins importante, j’ai réfléchi à des séances découpées en séquences. C’est pour cette raison que j’ai eu envie de rendre compte de cette réflexion dans un livre et appuyer le fait qu’il est possible de réfléchir une thérapie adaptée aux subtilités du contexte et d’un·e individu·e. Au sein du livre, nous avons mis en place des QR codes qui renvoient vers des mise en situation réelle par vidéos des photos. J’ai tenu à ce que le bouquin soit accessible à tous et toutes, il n’est certainement pas destiné qu’aux universitaires ! Au contraire, j’ai même souhaité mettre à disposition des ressources variées dans la bibliographie comme des romans graphiques ou des séries.
Pourquoi vous êtes-vous spécialisée dans le trauma, les violences faites aux femmes et l’autisme ?
J’ai pu constater que les femmes étaient mal soignées et mal écoutées car les a priori sont tels qu’on pense que leur douleur est « dans la tête ». J’ai pu étudier ces questions liées au genre au travers d’un D.U d’éthique en pratique du soin. De la petite fille, à la femme âgée, le biais du genre les dessert. Sur la question du trauma, cela est souvent lié à des violences, certaines femmes se mettent à exprimer leur vécu à des moments très spécifiques de leur vie. Comme pendant leur grossesse par exemple. J’aimerais comprendre plus finement ce lien. Dans l’approche de l’autisme, il est encore commun chez les médecins de penser que les femmes qui ressentent des émotions ou qui ont une vie de famille ne peuvent pas être autistes. C’est pour cette raison qu’il faut une prise en charge sur-mesure, en donnant des outils d’expression et de langage plus variés que la seule expression orale. Je suis de plus en plus militante au sujet de la prise en charge des femmes, le corps médical a encore beaucoup à apprendre !
Vous avez mis en place l’organisme PHARE, en quoi consiste-t-il ?
« PHARE » (Psychologie, Humanisme, Aidance, Recherche, Education). C’est une structure de formation et d’édition créée au début de l’année 2022. Il est question que des intervenant·es, spécialisé·es dans le domaine artistique, pédagogique, ou encore dans le soin partagent leurs connaissances. Les personnes qui peuvent en bénéficier sont des professionnel·les, des aidant·es ou les individu·es concerné·es par la thématique traitée durant la formation. L’idée est qu’ils et elles échangent et se transmettent leurs expertises pour faire converger leurs savoirs, qu’ils et elles soient intervenant·es ou participant·es. Il est, là aussi, question de transfert de compétences. Le premier « P’tit cahier », Mes émotions et moi a été publié à la fin du mois de juillet. Le deuxième, Mon corps et moi, sortira à la fin du mois de septembre.
Il y a-t-il une œuvre qui vous a particulièrement marquée dernièrement ?
J’ai été sincèrement touchée par la série En thérapie (saison 1 et 2 disponibles sur arte.tv, ndlr). C’est l’histoire d’un psychanalyste et psychiatre. Les psychanalystes d’antan qui recevaient leur patient·es allongé·es et hochaient la tête de temps en temps c’est terminé ! Aujourd’hui on reçoit les patient·es en face à face, parfois même hors les murs. Il faut casser le cadre pour que ce dernier soit adapté. Je trouve que cette série en est une bonne illustration.
Pour suivre toutes les actualités foisonnantes d’Armelle Vautrot, rendez-vous sur sa page LinkedIn, où elle ne manquera pas de donner la date de sortie de son prochain ouvrage, dès qu’elle sera connue.
Pour commander son précédent ouvrage, Enfin 40 ans ! Les supers pouvoirs de la femme quadra, rendez-vous par ici.