Anto Cocagne : Cuisinière entre deux rives [France]
Anto Cocagne, qui se fait appeler Le Chef Anto, se forge une réputation dans le domaine de la gastronomie africaine revisitée. Entre le Gabon et la France, la jeune cheffe a dû batailler pour imposer sa vocation.
Par Hélène Assekour
Paru dans Femmes ici et ailleurs #29, janvier-février 2019

C’est une passion qui s’est dessinée dans les cuisines familiales au Gabon où, très tôt, les femmes doivent savoir assurer les repas. Tradition oblige donc, Anto Cocagne apprend dès l’âge de neuf ans à préparer riz, manioc, banane plantain ou poisson. Plus encore que la technique, l’ambiance des cuisines plaît à la gamine née en France, mais élevée au Gabon. “C’est le coin des femmes. Il y a les potins, ça rigole, ça chante beaucoup”, décrit la jeune femme, aujourd’hui à la tête de son entreprise de cheffe à domicile en région parisienne. Un choix professionnel qu’elle a dû imposer à ses proches, avec patience et détermination. Les obstacles ont été en effet nombreux sur sa route.
Des réticences de sa propre famille, d’abord. Son père l’aurait bien vu suivre un cursus scientifique, comme lui. Ou pourquoi pas les banques ou l’assurance ? L’ingénieur, qui a fait ses études en France, ne pouvait considérer la cuisine comme un métier. “C’est pour les domestiques !”, lance-t-il à sa fille lorsqu’elle lui fait part de sa volonté d’embrasser cette vocation. L’élève se voit aussi fermer l’accès à une bourse de l’État gabonais pour venir étudier en France. Pas question de financer une formation de cuisine : on la pousse à être “plus ambitieuse”. Un premier échec qui la conduit sur les bancs de la fac de Lettres et à un avenir tout tracé de professeure de français. Mais Anto Cocagne ne s’y fait pas. Heureux hasard, sa première année d’université est annulée en raison de troubles au Gabon. L’opportunité pour la jeune femme de finir de convaincre ses parents qui l’ont vue, dès la quatrième, développer une modeste activité de vente de gâteaux, d’abord à ses copines, puis à tout le lycée, jusqu’au quartier entier. “Au pire, elle sera cuisinière à la présidence de la République”, se résigne sa mère, nutritionniste. Avant de s’envoler pour la France, Anto Cocagne promet à son père : “Tu n’auras jamais honte de moi, je serai la plus célèbre et la plus riche de tou·te·s tes enfants”.

Des cuisines gastronomiques au burger-frites