Anne Bouillon : Robe de combat [France]
Anne Bouillon prône un exercice engagé de son métier. Celle qui est considérée comme l’une des plus grandes avocates de France entend faire évoluer l’institution judiciaire et, au-delà, la société tout entière. Avec d’autres perspectives en vue.
Par Clémence Leveau
Paru dans Femmes ici et ailleurs #36, mars-avril 2020

Anne Bouillon n’a pas toujours été féministe. Elle n’a pas toujours été avocate non plus. Ce mercredi soir de décembre, au palais de justice de Nantes, elle plaide pour la victime dans une affaire de violences conjugales. Ce qu’a vécu sa cliente : “un piège mental, un enfer !” Conseil de la Fédération nationale solidarité femmes depuis plus de trois ans et avocate depuis vingt, Anne Bouillon sait de quoi elle parle. Chaque jour, elle recueille dans son cabinet les histoires de celles qui représentent aujourd’hui près de 60 % de sa clientèle. Et c’est sans compter “toutes les femmes que je n’ai pas rencontrées parce qu’elles ont été tuées”, dont elle défend les mères ou les enfants. “Je dois faire vivre ces femmes pendant le procès. J’ai l’impression de les connaître sans les avoir jamais vues.”
Féministe, elle l’est devenue en partie grâce à ces victimes. Mais pas seulement. La “tonne” de comportements sexistes auxquels elle a été confrontée dans l’exercice de son métier ont bien aidé. Comme ce juge à qui elle venait “demander des comptes sur un dossier”, et qui la mit dehors manu militari. Ou ces “vieux bâtonniers corses” qui caressaient les cheveux des filles. “J’ai trouvé insupportable que ma condition de femme soit considérée comme déterminante dans l’exercice de ma profession.”
De l’humanitaire au prétoire