Le jour où… 30 août 1792 : L’une des premières lois de la République instaure le droit au divorce
Tous les deux mois, nous vous invitons à (re)découvrir une date importante de l’histoire des femmes, ici ou ailleurs. Une histoire trop souvent oubliée.
Par Muriel Salle
Paru dans Femmes ici et ailleurs #50, juillet-août 2022

Fini les “liens sacrés” du mariage ! Désormais “le mariage est dissoluble par le divorce “, proclame la toute jeune République issue de la Révolution française. Nous sommes vingt jours après l’invasion des Tuileries par les sans-culottes et l’emprisonnement du roi et de sa famille, seulement neuf jours après l’installation de l’Assemblée nationale. La loi autorisant le divorce fait donc partie des mesures prioritaires du nouveau régime. Si le divorce existait en droit romain, l’Église avait fait ensuite du mariage un “don de Dieu”.

Pour mettre fin à son union, la loi républicaine prévoit trois possibilités : le divorce par consentement mutuel, pour incompatibilité d’humeur et pour motif déterminé – sept au total selon la loi, de la démence au “dérèglement de mœurs notoires” en passant par “les crimes, sévices ou injures graves de l’un envers l’autre . Dans tous les cas, les démarches sont courtes, ne nécessitent ni juge, ni avocat, ni notaire et ne coûtent donc presque rien.
La République instaure ici l’égalité de tou·tes, riches et pauvres, dans la dissolution du mariage (même si, en réalité, les désuni·es appartiennent en grande majorité au monde de la bourgeoisie urbaine). Enfin, le divorce révolutionnaire consacre l’égalité femme-homme : l’une comme l’autre peut en prendre l’initiative. C’est une véritable libération qui s’offre alors aux mal-marié·es.
Preuve de la nécessité de cette loi progressiste, en 1793, l’état civil enregistre un divorce pour quatre mariages. Ce sont massivement (à plus de 70 %) les femmes qui en font la demande.
Ce droit est aussi l’un des premiers à être supprimé – dans les faits, puis dans la loi – lors du retour de l’autoritarisme. Dès 1804, l’Empire ne l’interdit pas mais restreint considérablement la possibilité de divorcer, imposant une procédure longue, contraignante et complexe, difficile d’accès. Puis la Restauration l’abroge en 1816, un an après le retour de la monarchie.
Toute ressemblance avec la période contemporaine n’est peut-être pas fortuite. Aujourd’hui en France, on compte un divorce pour 1,9 mariage. Les femmes sont toujours majoritairement à l’initiative de la séparation (à 75 %). Et hier comme aujourd’hui, conservatisme politique et droits des femmes ne font pas bon ménage… ●